Imaginez : vous avez soigneusement préparé votre tasse de café du matin. Mais au moment où vous allez la savourer, quelqu’un (votre chat, peut-être ?) renverse tout. Résultat ? Pas de café, un pull trempé, et cette petite flamme intérieure que l’on connaît tous : la frustration.
Ce sentiment, aussi universel que le besoin de wifi, peut transformer une bonne journée en un chaos émotionnel. Pourtant, la frustration n’est ni notre ennemie, ni une malédiction jetée par l’univers. Grâce aux outils des thérapies cognitives et comportementales (TCC), nous pouvons apprendre à la comprendre, à l’apaiser et même (tadaa !) à en tirer profit. Plongeons nous dans cet état d’âme si familier.
D’un point de vue psychologique, la frustration se produit lorsque nos désirs percutent la réalité… et que la réalité gagne. Selon les TCC, elle résulte souvent d’un écart entre nos attentes (parfois un brin irréalistes) et ce qui se passe réellement (Beck, 1976). En clair : vous voulez une promotion ? On vous refuse. Vous espérez une file d’attente rapide ? Mauvaise pioche, la caissière discute avec le client depuis cinq minutes.
Albert Ellis, créateur de la thérapie rationnelle-émotive (TRE), l’a bien expliqué : nos croyances irrationnelles ("Tout devrait se passer comme je veux !") sont les vraies coupables. Et la frustration, cette émotion un peu grincheuse, est là pour nous le rappeler (Ellis, 1962). Moralité : ce n’est pas la situation qui nous frustre, c’est notre manière de la voir. Ah, la psychologie.
Chez les enfants, la frustration fait son entrée dès qu’ils réalisent que non, ils ne peuvent pas tout avoir (même pas ce biscuit interdit avant le dîner). Comme le dit le pédopsychiatre Marcel Rufo, ces petites contrariétés sont essentielles pour apprendre la patience et gérer ses émotions (Rufo, 2007).
À l’âge adulte, les sources de frustration deviennent plus subtiles (et plus farfelues). Par exemple :
Ce qui change, c’est que nos frustrations sont désormais mêlées à nos schémas cognitifs, ces fameux programmes mentaux développés au fil de nos expériences (Young et al., 2003). Si vous êtes perfectionniste ou très exigeant envers vous-même, chaque petit échec peut devenir un drame épique. Et soyons honnêtes : c’est épuisant, n’est-ce pas ?
Imaginez : vous essayez de monter une étagère IKEA. Tout se passe bien… jusqu’au moment où il manque une vis. Votre cerveau bascule alors dans une sorte de mode de survie : le cœur s’accélère, les pensées négatives s’emballent ("Pourquoi suis-je toujours nul avec le bricolage ?!"), et avant que vous ne vous en rendiez compte, vous êtes à deux doigts de jeter l’étagère par la fenêtre.
C’est un classique des TCC : face à la frustration, nos pensées automatiques prennent le contrôle et amplifient nos émotions. Résultat ? On rumine, on exagère, on s’épuise mentalement. Et si on n’y prend pas garde, ce cycle peut avoir des effets physiques, comme une hausse du cortisol, l’hormone du stress (Shapiro, 2010).
Non régulée, la frustration peut avoir des conséquences plutôt désagréables :
Voici une bonne nouvelle : bien utilisée, la frustration peut se transformer en véritable moteur de progrès. Imaginez si les frères Wright, après leur premier crash d’avion, avaient décidé de raccrocher les ailes : nous serions encore en train de traverser des continents à dos de cheval ou en diligence.
Et ce n’est pas tout : prenez l’invention du micro-ondes. Percy Spencer, son créateur, a découvert ce concept révolutionnaire… après que la barre chocolatée dans sa poche ait fondu à cause d’un radar expérimental. Frustrant ? Oui. Innovant ? Encore plus.
Moralité : là où il y a de la frustration, il y a aussi, parfois, une grande idée qui attend d’émerger. C’est tout l’art de la transformer en opportunité !
Les TCC encouragent à voir les frustrations comme des opportunités : elles nous forcent à revoir nos attentes et à trouver des solutions créatives (Ellis, 1962). Moralité ? Ce n’est pas parce que ça bloque qu’on doit tout lâcher.
L’auto-compassion est une arme puissante contre la frustration (et bien des maux). Comme le dit Kristin Neff, "Traitez-vous comme vous traiteriez un ami" (Neff, 2003). Un petit pas en arrière, un sourire, et vous réaliserez que la situation n’est peut-être pas si grave.
En conclusion, la frustration est un peu comme ce caillou dans une chaussure : désagréable, mais pas insurmontable. Grâce aux outils des TCC, elle peut devenir une occasion d’apprendre, de s’améliorer et même de rire de ses petites mésaventures. Alors, la prochaine fois que vous sentez ce sentiment monter, respirez un bon coup, et dites-vous : "C’est frustrant, mais ce n’est pas la fin du monde."
Références
Beck, A. T. (1976). La thérapie cognitive des troubles émotionnels. Paris : Éditions Payot.
Ellis, A. (1962). La Révolution en psychothérapie. Paris : Retz.
Neff, K. D. (2003). L’auto-compassion : Une alternative à l’estime de soi. Psychologies Magazine, 21(2), 85–101.
Rufo, M. (2007). Oedipe toi-même !. Paris : Anne Carrière.
Shapiro, F. (2010). Manuel de l’EMDR. Paris : Dunod.
Young, J. E., Klosko, J. S., & Weishaar, M. E. (2003). Les schémas de pensées : comprendre et changer vos modes de fonctionnement. Bruxelles : De Boeck Supérieur.